Texte présenté sur le site "pourunecause.fr" (laboratoire d'idées / appels à projets initié par le parti politique "La République en Marche", dans le cadre de la préparation de la campagne présidentielle de 2022).



60.000 € à 25 ans pour tous, 500 milliards dans l’économie réelle

 

Proposer à chaque français un Capital sous forme d’avance sur les héritages qu’il recevra ou léguera.

 

 

En juin 2018, Le président de la République constatait « Ceux qui sont [ou] tombent pauvres restent pauvres, [malgré] le pognon de dingue dépensé [dans] la protection sociale » et il ajoutait « On doit avoir un truc qui permette aux gens de s’en sortir ».


La prochaine campagne présidentielle est l’occasion de proposer aux français ce « truc », en l’occurrence une dotation proportionnelle à l’espérance de vie de chacun. Chaque demandeur se verra confier une somme d’un montant dégressif en fonction de son âge. Le maximum sera de 60 000 € pour un jeune de 25 ans. Cette dotation fera l’objet d’un acte notarié prévoyant son remboursement au moment de la perception d’un transfert générationnel (donation ou héritage) ou, à défaut, après le décès du bénéficiaire.  


Il s’agit d’un jeu d’écritures à somme nulle sur le long terme, qui ne nécessite aucune imposition ni aucun emprunt supplémentaire pour l’Etat. Pour autant les avantages en matière de sécurisation des parcours de vie, de relance économique et d’apaisement du climat social sont considérables. Les fonds initiaux pourront résulter de création monétaire par les banques qui ont pour métier de mettre de l’argent en circulation dans la double limite des garanties (ici notariées) et d’un ratio lié à leurs fonds propres.


Cette proposition représente un grand pas vers la réduction des inégalités patrimoniales, donc vers plus d’égalité des chances. Et un pas d’autant plus important que l’allongement de l’espérance de vie (20 ans depuis ½ siècle) a eu pour conséquence que ceux qui héritent sont désormais le plus souvent des retraités.


Pour en savoir plus : comme toute innovation, celle-ci suscite des questionnements et des objections légitimes ; des éléments de réponse sont apportés sur le site www.aicu.fr et plus précisément la page https://www.aicu.fr/précisions-et-réponses-aux-questions-dans-le-cadre-de-pourunecause-fr



Argumentaire développé :

 

I)                   Sur le contexte et les limites du continuum socio-fiscal actuel :


En 2019 les lourds transferts fiscaux et sociaux frappant les 85% de riches et de membres des classes moyennes au profit des 15% les plus pauvres ne permettaient déjà pas de réduire la pauvreté.


Après la crise sanitaire, le déséquilibre va s’amplifier et au moins 20% de la population devra compter sur la solidarité souvent plus imposée que consentie des 80% considérés comme non (encore) pauvres.


L’égalité stricte entre les citoyens étant un horizon inatteignable et probablement non souhaitable, il paraît préférable de rechercher à progresser en matière d’égalité des chances, notamment en donnant à chaque jeune la possibilité « d’entrer dans la carrière » sans devoir « attendre que [ses] ainés n’y soient plus » (Cf. les paroles de La Marseillaise, couplet "des enfants"). Les dotations en Capital par avances d’hoiries le permettent, et elles peuvent bénéficier à l’ensemble de la population.

 

 

II)                 Réponse aux principales objections :

 

1)     « Moi je saurai comment utiliser ce Capital, et mes enfants aussi, mais beaucoup de jeunes vont très rapidement gaspiller cet argent et ce sera du gâchis ».


Il s’agit d’argent confié et non pas donné. Les actes notariés assureront à la collectivité qu’elle récupérera la plus grande partie de ces sommes en cours ou en fin de vie de chacun des bénéficiaires.


L’expérience montre que, quel que soit leur milieu social, les personnes qui héritent de sommes importantes mais non exorbitantes alors qu’elles sont jeunes en font un usage raisonné et économiquement cohérent (la proportion de « flambeurs » est infime alors qu’elle est très importante pour les personnes ayant gagné plusieurs millions d’euros aux jeux de hasard).


Et, de toutes façons, cet argent ne sera pas gaspillé (sauf, le cas échéant, pour le bénéficiaire mais ce sera son problème et sa responsabilité) puisqu’il sera recyclé dans l’économie au bénéfice substantiel de l’activité et des finances publiques. Dans l’hypothèse caricaturale d’un « flambeur » qui dépenserait très rapidement sa dotation de 60.000 € pour moitié en tabacs et pour moitié en alcools forts, les finances publiques encaisseraient immédiatement 79% soit 47.400 € de taxes, ce qui permettrait de provisionner la caution qui risque effectivement, dans ce cas, d’être appelée quelques années ou décennies plus tard.


Cela dit, il faudra très probablement organiser un minimum de formation aux mécanismes économiques (à l’école ou lors d’un service civil). Il conviendra également, pour empêcher les transferts vers l’économie parallèle, de restreindre les possibilités de retraits en liquide, de conversion en cryptomonnaies ou de virement vers des tiers autres que professionnels enregistrés.


2)     « Il existe d’autres propositions de capital universel ou de dotation en faveur des jeunes, elles n’ont jamais été prises au sérieux et n’ont jamais fait l’objet de la moindre expérimentation ».

 

Il existe un grand nombre de propositions dans le même domaine, parmi lesquelles :


-         La Dotation en faveur des jeunes défendue par l’universitaire Thomas Piketty (Capital et Idéologie / Editions du Seuil septembre 2020) : Donner sans contrepartie ni engagement 120.000 € à chaque jeune le jour de ses 25 ans ce qui coûterait aux finances publiques 90 Milliards par an et serait financé par des impôts confiscatoires (90% pour les tranches supérieures) non seulement sur les patrimoines mais aussi sur les successions.


-         La proposition du Medef, qui a préconisé en mars 2019 qu’un fonds public dote les jeunes, sous conditions de ressources, d’un capital de départ qui pourrait financer des études ou un projet de création d’entreprise.


-         La Fondation Jean Jaurès qui a proposé en avril 2019 de donner aux jeunes français un capital républicain dont le montant pourra atteindre 60.000 Euros et sera dégressif en fonction du niveau de sortie du système scolaire. Voir ces propositions sur le site : https://jean-jaures.org > la fondation


-         Francois Hollande qui a proposé, après son départ de l’Elysée, un prêt bonifié en faveur des jeunes présentant des projets « recevables ». Ses réflexions ont été reprises et prolongées par des personnalités proches du PS (Boris Vallaud, Guillaume Mathelier, Julien Damon) sans que le parti socialiste ne prenne officiellement position sur cette question.


-         Plusieurs responsables de LREM ont émis des suggestions qui vont également dans ce sens, par exemple un prêt bonifié pour faciliter l’acquisition d’un premier logement à l’occasion de la campagne municipale à Paris en 2020, ou un prêt de 10.000 Euros dont le remboursement différé ne serait déclenché qu’au-delà d’un certain niveau de ressources.


La cause que nous présentons ici ajoute le concept novateur des "avances d’hoiries" (avancements sur parts successorales) si bien qu’elle ne nécessite pas la moindre mobilisation ou distribution d’argent public. Il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul mais de permettre à Pierre et à Paul, s’ils le souhaitent et quand ils le souhaitent, de faciliter leurs parcours de vie et leur intégration contribuante à la vie économique et sociale.


Elle diffère également des autres propositions en ce qu’elle évite l’écueil qui consisterait à créer une fracture patrimoniale liée à l’âge, au détriment des « nés-trop-tôt-pour-bénéficier-de-la-réforme ».


Mais, évidemment, elle s’en rapproche en ce sens qu’elle n’a jamais fait l’objet d’aucune expérimentation dans quelque pays que ce soit, bien qu’elle ait été suggérée dès l’antiquité par Aristote, réactualisée par Thomas Paine et Pierre Dolivier après la Révolution puis développée récemment par Bruce Ackerman aux USA et par Bernard Berteloot en France.



3)     Pourquoi confier 60.000 Euros aux jeunes de 25 ans ?

 

Le chiffre de 60.000 Euros n’est pas gravé dans le marbre. Il relève d’un pari raisonnable. Même si d’éminents économistes ont calculé que, le seuil de pauvreté en termes de revenus étant égal à 60% du niveau de vie médian (soit en France un peu plus de 1.000 Euros par mois pour une personne seule), il fallait fixer le seuil d’indigence patrimoniale à 60% du patrimoine moyen, ce qui aboutissait au chiffre de 120.000 €, nous considérons que, plus encore que les revenus, les patrimoines évoluent en fonction de l’âge. En conséquence, dans les conditions économiques actuelles, 60.000 € confiés à un jeune de 25 ans paraissent comme nécessaires et suffisants pour démarrer son intégration dans la vie économique et sociale dans des conditions satisfaisantes.

Cette somme représente par exemple un apport substantiel pour l’acquisition d’un premier logement, pour le financement d’un cycle d’études supérieures, le rachat d’un fonds de commerce ou encore le lancement d’une activité professionnelle.


Elle est de plus cohérente avec l’analyse des patrimoines moyens dont héritent les Français, sachant que la mise en place de la réforme proposée devrait mécaniquement aboutir à terme à une très nette augmentation des sommes transmises d’une génération à l’autre : d’où une probable augmentation de la part des Français propriétaires. En commençant à capitaliser plus tôt, on capitalise d’avantage...



4)     Que signifie : dotation dégressive en fonction de l’âge ?

 

Le Capital Universel que nous proposons a pour objectif de faciliter les parcours de vie et l’intégration à la société de chacune et de chacun, indépendamment de son milieu social et de ses origines. A l’évidence, limiter cette possibilité à une seule classe d’âge en confiant cette dotation chaque année à toutes celles et à tous ceux qui atteindraient un âge donné (par exemple 25 ans) créerait un sentiment d’injustice et de frustration dans l’esprit de celles et ceux qui seraient trop âgés pour bénéficier de cette réforme. Nous proposons que la dotation soit proportionnelle à l’espérance de vie statistique résiduelle, ce qui aboutit à la formule :


D = (85 – Age) X 1.000 – (D + H) si Age > 24

 

Autrement dit : à partir de 25 ans, chacun a droit à une dotation en Euros égale à mille fois la différence entre le chiffre 85 et son âge, déduction faite des donations ou héritages reçus antérieurement.


Ce mode opératoire nous paraît représenter la moins mauvaise façon de répondre aux aspirations et revendications formulées par une grande partie de la population, dont les gilets jaunes (voir article intitulé « La quadrature du rond-point a une solution » sur ce même site).


5)     Quels sont les risques pour la collectivité ? :


- Le risque d’une proportion trop importante de bénéficiaires défaillants in fine semble particulièrement faible et ne se produira en tout état de cause pas avant plusieurs décennies. Si ce risque se produisait, il serait toujours possible de le gérer, soit par une création monétaire proportionnée, soit par une augmentation ciblée de la fiscalité sur les patrimoines. Une façon de donner raison à Proudhon qui préconisait « d’élargir l’esprit de famille à la société tout entière » ;


Selon le mode de fonctionnement actuel, très inégalitaire en matière de transmission de patrimoines, on constate qu’en 2018, 45% des ménages avaient bénéficié de transferts (= donations et/ou héritages) d’un montant moyen de 135.400 €, ce qui aboutit à un écart de patrimoine net moyen de 175.000 € entre ces "privilégiés" et le reste de la population (analyse limitée à la tranche d’âges de 50 à 59 ans -source : Journal La Croix du 14/10/2019).


Sans même intégrer les effets d’une entrée plus précoce dans l’épargne et/ou la propriété, on peut acter que plus de la moitié des encours seront restitués à la collectivité du vivant des bénéficiaires. La seule incertitude porte sur la proportion de celles et ceux qui, malgré un apport initial substantiel, ne parviendront pas, durant leur parcours de vie, à thésauriser au moins l’équivalent actualisé des sommes qui leur auront été confiées. Quand bien même cette proportion serait importante, le "problème" ne se poserait à la collectivité -qui aura entre temps bénéficié du surcroit de croissance et des allègements de transferts sociaux induits- que dans plusieurs décennies et il pourrait alors être facilement résolu soit par une adaptation marginale de la fiscalité sur les patrimoines soit par une création monétaire dédiée.


Le risque principal est évidemment l’inflation, hantise des rentiers et alliée objective des personnes ou collectivités endettées.


En particulier, les prix des logements petits et moyens risquent de monter en flèche, du fait de l’augmentation de la demande émanant des primo-accédants. Ce phénomène pourra être limité et même contrôlé si l’Etat et les collectivités locales prennent soin de mettre sur le marché une proportion suffisante du parc immobilier qu’ils contrôlent (4,5 millions de logements) et d’encourager la construction neuve, notamment en libérant du foncier. Pour le reste, sans référence explicite à la MMT (Modern Monetary Theory), il existe des procédures permettant de limiter l’inflation en agissant sur la totalité des liquidités injectées dans l’économie.


Compte tenu des legs et donations antérieurs et de la proportion des citoyens qui souhaiteront entrer dans ce dispositif, l’injection de liquidités dans l’économie serait probablement de l’ordre de 500 milliards d’Euros (estimation nécessitant évidemment d’être affinée à l’issue de sondages et de modélisations). Cette création monétaire à longue échéance sera compensée, sous le contrôle de l’autorité de régulation des marchés, par une diminution du rythme de rachat, par les banques centrales, des créances détenues par les opérateurs de l’économie financière.


6)     Quels sont les avantages pour la collectivité ?


-         Passage beaucoup plus rapide d’un grand nombre de nos concitoyens du statut d’assistés (APL, RSA et autres) au statut de contributeurs nets (assujettis à l’impôt sur le revenu). Pour un jeune atteignant l’âge de 25 ans et dont la fin de vie statistique surviendra vers l’âge de 85 ans, les APL (Aides Personnalisées au Logement) représentent aujourd’hui un « droit de tirage potentiel » sur la solidarité nationale de 250 euros par mois. Ce droit de tirage peut atteindre sur 60 années : 60 x 12 x 250 soit 180.000 Euros.


Les APL seront versées tant que le bénéficiaire ne disposera ni de ressources supérieures à un certain seuil ni d’un patrimoine significatif. Les biens mobiliers (livret d'épargne, Livret A, actions, assurance-vie, etc.) étant comptabilisés comme générant un revenu fictif égal à 3% de leur valeur totale, et les biens immobiliers étant valorisés à hauteur de 50% de leur valeur locative. En conséquence, toute acceptation de la dotation par un citoyen entrainera une diminution de ses droits aux APL, en attendant que l’accélération de l’ascenseur social dont il aura bénéficié lui permette de sortir par le haut et définitivement de l’ensemble des dispositifs d’assistance.


-         Relance économique saine et pérenne car basée sur une demande solvable.


-         Possibilité de mettre en place une fiscalité écologique pertinente et efficace. Pour l’instant, les prélèvements obligatoires viennent à 95% du travail et à seulement 5% des taxes environnementales. Il deviendra possible d’évoluer vers une répartition à 50 % travail et 50% impacts et externalités négatives sans susciter de réactions de défiance ou de rejet de la population à partir du moment où les ménages les plus vulnérables auront retrouvé une trésorerie positive et des perspectives. Se souvenir que c’est une hausse brutale du pétrole qui a déclenché le mouvement des Gilets Jaunes.


-         Amélioration de la sécurité des biens et des personnes. Mécaniquement, la diminution de la proportion de citoyens chroniquement insolvables devrait permettre d’appliquer plus systématiquement les décisions de justices, notamment en matière de pensions alimentaires et d’indemnisation des victimes.


-         Possibilité de reconquête des territoires perdus de la République. L’injection d’importantes quantités d’argent officiel et traçable dans des quartiers où l’assistanat et l’économie souterraine jouent un rôle prépondérant peut radicalement et durablement changer la donne. Il en est de même des transferts de propriété en faveur de ses actuels occupants d’une grande partie du parc de logements.

 

7)     Trop beau pour être vrai ?

 

Oui, peut-être. Il doit y avoir un loup. Mais comme nous n’avons pas vu où il se cachait, nous sommes demandeurs de vos critiques et suggestions.