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Propositions et réflexions proches du Capital Universel

Début avril 2019, la Fondation Jean Jaurès a proposé de donner aux jeunes français un capital républicain dont le montant pourra atteindre 60.000 Euros et sera dégressif en fonction du niveau de sortie du système scolaire.

Voir ces propositions sur le site de la Fondation: https://jean-jaures.org > la fondation

Faut-il doter les jeunes d’un capital de départ ?
La Croix , le 20/03/2019 à 6h00


À l’issue d’une consultation de ses adhérents organisée autour de 133 débats, le Medef a formulé, mardi 19 mars, 43 propositions articulées autour de sept impératifs, parmi lesquels « redémarrer l’ascenseur social », « booster le pouvoir d’achat » ou « recoller les morceaux d’une France fragmentée ». L’organisation patronale propose notamment qu’un fonds public dote les jeunes, sous conditions de ressources, d’un capital de départ qui pourrait financer des études ou un projet de création d’entreprise.

Se méfier d’un prêt à l’anglo-saxonne

Antoine Dulin
Président de la Commission insertion des jeunes

Recueilli par Emmanuelle Lucas

L’idée de créer une dotation de capital pour les jeunes n’est, en soi, pas nouvelle et je me réjouis que le Medef s’en saisisse. Cela dit, le diable se cache dans les détails. La dotation de capital, en effet, peut prendre des modalités très diverses. Une première interrogation porte ainsi sur le caractère remboursable ou non d’une telle aide. Si elle est remboursable, il s’agit en fait d’un simple prêt de type boursier à l’anglo-saxonne, dont il faut se méfier. Ces prêts entraînent un endettement fort des jeunes au tout début de leur vie professionnelle mais aussi sur le long terme, puisqu’ils n’ont pas toujours les moyens, même des années plus tard, de rembourser convenablement ce qu’ils doivent.

C’est pourquoi, dans l’objectif d’aider les jeunes à se lancer dans la vie, la Commission insertion des jeunes avait défendu, il y a un an, le principe d’un capital formation donné à tous, sans condition de ressources (1). Chaque jeune pouvait activer, dès ses 18 ans, un droit à un, deux ou cinq ans de formation initiale. Il pouvait aussi garder ce capital-temps pour plus tard afin de financer de la formation continue. Car dans une société d’économie de la connaissance, on peut imaginer qu’on aura besoin de changer de qualification tout au long de la vie. L’idée de donner un capital formation sous forme de temps et non pas de capital sonnant et trébuchant nous est donc apparue plus pertinente.

Un autre point d’attention est le montant de la dotation et le fait de savoir si elle est universelle ou réservée aux plus pauvres. S’il s’agit d’une aide de l’ordre de 2 000 € ouverte aux seuls jeunes sans ressources à 18 ans, alors on peut imaginer que cette somme ne sera pas utilisée pour se former, mais pour survivre. La priorité du jeune ne sera pas d’aller en formation ou de monter son entreprise, mais de se nourrir. Un tel montant est donc intéressant seulement s’il s’ajoute à des aides pour payer le logement, la nourriture, etc., faute de quoi, il ratera son but.

Il ne faudrait pas d’ailleurs que le Medef voie dans cette mesure une alternative à l’ouverture des droits sociaux entre 18 et 25 ans. S’il s’agit d’éviter la mise en place d’un revenu universel d’activité ouvert aux jeunes entre 18 et 25 ans, alors, pour moi, c’est une erreur. Une telle dotation ne peut que venir en plus. Il faut à la fois ouvrir les minima sociaux entre 18 et 25 ans pour sortir les jeunes de la pauvreté, avec le revenu universel d’activité, et envisager une dotation afin de permettre aux jeunes qui veulent aller plus loin de pouvoir le faire.

Cette logique était proposée par un rapport Terra Nova de 2010 de Guillaume Allègre. Ce travail proposait la création d’un capital universel pour que chaque jeune puisse subvenir à ses besoins et, que, en plus, ceux qui veulent aller plus loin puissent souscrire des prêts dits « sécurisés » remboursables à partir du moment où le jeune en a les moyens.

(1) Dans un rapport intitulé « Arrêtons de les mettre dans des cases ! ».


Il faut permettre aux jeunes de se lancer

Geoffroy Roux de Bézieux
Président du Medef

Ce qui ressort de ce grand débat, c’est qu’il existe indiscutablement un sentiment d’injustice dans la population. Pourtant, la France est le pays qui prélève le plus d’impôts au monde et où les écarts de revenus sont les plus faibles des pays développés. Lorsqu’on met tout cela ensemble, on se dit que le problème est celui du déterminisme social.

Nous sommes dans un monde où il y a beaucoup d’opportunités et beaucoup de mutations qu’il faut pouvoir saisir. Mais nous sommes aussi dans un monde où, quand on n’a pas de capital au départ, cela pose un problème. C’est à partir de ce constat que nous avons réfléchi à des propositions et abouti à cette proposition d’un capital de départ pour les jeunes.

C’est un système qui existe dans certains pays anglo-saxons, comme l’Australie et l’Angleterre. Alors que les études y coûtent parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros, ils offrent des prêts d’honneur sans garantie mais sous conditions de ressources des parents. Cela permet de financer les études et la somme est remboursable lorsqu’on trouve un travail et qu’on obtient un certain niveau de revenu.

Nous nous sommes inspirés de cette idée pour notre capital départ mais en l’étendant. Ce prêt sans intérêt pourra servir pour payer des études ou une formation, mais pas seulement. Nous voulons aussi qu’il puisse financer un projet entrepreneurial ou un projet immobilier, car le logement est une préoccupation majeure des Français.

Combien pourra-t-on obtenir ? À quel âge ? Tout cela reste à débattre et il y a évidemment une contrainte financière forte. Mais, dans un pays où la dépense publique atteint 57 % du PIB, je pense qu’on peut réaliser des économies et trouver les fonds nécessaires. Dans les pays anglo-saxons, d’ailleurs, c’est le remboursement des anciens prêts qui finance les nouveaux. C’est donc une dépense d’investissement, qui ne sera pas pérenne. Mon intuition est qu’il faudrait, comme cela se passe dans les pays anglo-saxons, gérer tout cela en dehors de l’État dans un organisme d’utilité public.

Certains peuvent trouver l’idée de capital départ surprenante dans la bouche du Medef. Au contraire. Face au sentiment d’injustice qu’expriment les Français, la solution de facilité serait de rajouter des impôts pour les riches, comme on le dit sur certains ronds-points et même chez certains députés. Nous pensons l’inverse. La vraie solution, c’est de créer de la richesse. Et pour créer de la richesse il faut des gens qui entreprennent et donc qui puissent se lancer. C’est ce que permettra de faire le capital de départ pour ceux qui n’ont pas la chance de posséder un patrimoine.

Il y a aussi dans cette proposition une dimension philosophique et politique. Cette idée s’oppose au revenu universel qui veut que l’on vous donne un revenu quelle que soit votre situation. Nous, nous préférons un autre chemin qui consiste à dire : si vous avez un projet, on vous donne les moyens de le réaliser.